Kâplan. https://x.com/KaplanBen_Fr/status/1959195937554755749 @KaplanBen_Fr #23août1939 Le pacte germano-soviétique, communément désigné comme le pacte Molotov-Ribbentrop, fut signé à Moscou dans la nuit du 23 au 24 août 1939, mais antidaté du 23 août. Ce traité entre le régime nazi et le régime stalinien incluait un protocole secret qui délimitait des sphères d'influence en Europe orientale, facilitant ainsi une partition effective de la région. Selon ce protocole, l'est de la Pologne était attribué à l'URSS (à l'est des rivières Narew, Vistule et San), tandis que l'ouest revenait au Reich ; les États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) étaient initialement promis à l'URSS, avec des ajustements ultérieurs (notamment la Lituanie, initialement dans la sphère allemande, fut transférée à l'URSS en échange de territoires polonais) ; la Bessarabie (en Roumanie) et le nord de la Bucovine étaient désignés comme zones d'intérêt soviétique, tout comme une partie de la Finlande. Ce protocole, révélé publiquement après la guerre, transformait le pacte en un accord de collaboration active plutôt qu'en une simple neutralité, en prévoyant explicitement des annexions et des occupations coordonnées. Quelques jours après la signature, l'Allemagne envahit la Pologne le 1er septembre 1939, déclenchant la Seconde Guerre mondiale. L'URSS, respectant le protocole, attaqua à son tour par l'est le 17 septembre, invoquant une "libération" des populations slaves orientales tout en coordonnant ses actions avec Berlin pour éviter tout affrontement. La Pologne fut ainsi dépecée en moins d'un mois, avec une ligne de démarcation établie le long des rivières Bug et San, conformément aux dispositions secrètes. Le 28 septembre 1939, le "Traité germano-soviétique d'amitié, de coopération et de démarcation" ajusta cette ligne de partage, transférant notamment la Lituanie à la sphère soviétique en échange de territoires polonais supplémentaires (comme la région de Lublin), et confirma la nature coopérative de l'accord. Un symbole flagrant de cette entente fut la parade militaire germano-soviétique commune organisée le 22 septembre 1939 à Brest-Litovsk (Brześć Litewski), après la remise de la ville par les forces allemandes à l'Armée rouge. Cette cérémonie, impliquant des officiers des deux armées (comme le général allemand Heinz Guderian et le commandant soviétique Semion Krivochéine), inclut des saluts mutuels et un défilé conjoint, illustrant publiquement la complicité entre les deux régimes totalitaires. Cette coopération de 1939 n'était pas un phénomène isolé, mais s'inscrivait dans une longue histoire de relations germano-soviétiques clandestines remontant aux années 1920. Après le traité de Rapallo (16 avril 1922), qui normalisa les relations diplomatiques entre la République de Weimar et la Russie soviétique, et le traité de Berlin (1926), qui étendit cette entente, l'Allemagne contourna les restrictions du traité de Versailles en établissant des installations militaires secrètes en URSS. Parmi celles-ci : l'école de chars "Kama" près de Kazan (opérationnelle de 1926 à 1933, formant des pilotes de chars allemands et soviétiques) ; la base aérienne de Lipetsk (1924-1933, pour l'entraînement de pilotes et le test d'avions interdits) ; et le site chimique "Tomka" près de Volsk (ou Shikhany, pour des expériences sur les armes chimiques). Ces collaborations, financées principalement par l'Allemagne mais bénéficiant aux deux parties, permirent à la Reichswehr de se moderniser en secret et préfigurèrent l'aisance avec laquelle Berlin et Moscou s'entendirent en 1939. Sur le territoire polonais occupé, cette entente se manifesta également par une coopération répressive : entre fin 1939 et début 1940, plusieurs conférences Gestapo-NKVD eurent lieu pour coordonner la répression des résistances polonaises. Ces réunions, tenues à Brześć (septembre 1939), Lwów (octobre 1939), Przemyśl (novembre 1939), Cracovie (décembre 1939) et Zakopane (février-mars 1940), portèrent sur l'échange d'informations, les transferts de prisonniers (notamment des Allemands ethniques vers le Reich et des opposants polonais vers l'URSS), et la coordination des opérations contre les partisans. Ces échanges, documentés par des archives déclassifiées, montrent que le pacte allait bien au-delà d'une simple non-agression, impliquant une collaboration policière active contre un ennemi commun. Le pacte s'accompagna d'accords économiques cruciaux, signés le 19 août 1939 (accord de crédit) et renforcés le 11 février 1940 (accord commercial étendu). L'URSS devint un fournisseur vital pour l'Allemagne, soumise au blocus naval allié, en livrant des matières premières essentielles : pétrole, céréales, minerais, coton, etc. Pour l'année 1940 seule, les livraisons soviétiques inclurent environ 900 000 tonnes de pétrole, 1,6 million de tonnes de céréales, et 140 000 tonnes de minerai de manganèse, en échange de machines-outils, équipements industriels et technologies militaires allemands (valeur estimée à 437 millions de Reichsmarks). Ces flux étaient critiques : en été 1939, les planificateurs allemands estimaient des déficits annuels de 9,9 millions de tonnes de pétrole et 260 000 tonnes de manganèse sans l'aide soviétique, rendant ces approvisionnements indispensables pour l'invasion de la France en mai-juin 1940 et l'effort de guerre nazi en général. La mise en œuvre du pacte suivit le rythme des conquêtes coordonnées : - **Pologne (septembre 1939)** : Invasion allemande le 1er septembre, soviétique le 17 ; partition le long du Bug ; coopération sur le terrain (ex. parade de Brest-Litovsk). - **États baltes (1939-1940)** : Après des pactes d'assistance mutuelle imposés en septembre-octobre 1939 (permettant l'installation de bases soviétiques), l'URSS occupa l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie en juin 1940 via des ultimatums et des troupes, installa des gouvernements pro-soviétiques fantoches, puis annexa les trois républiques en juillet-août 1940. Suivirent des déportations massives (environ 60 000 personnes en 1940-1941) et une répression stalinienne intense. - **Roumanie (juin-juillet 1940)** : Ultimatum soviétique le 26 juin 1940 ; Bucarest céda la Bessarabie et le nord de la Bucovine ; occupation par l'Armée rouge du 28 juin au 3 juillet ; intégration à l'URSS (création de la RSS de Moldavie et annexion à la RSS d'Ukraine) ; répressions et déportations (plus de 300 000 personnes affectées). - **Finlande (1939-1940)** : Guerre d'Hiver (30 novembre 1939 – 13 mars 1940) : l'URSS attaqua pour sécuriser sa frontière nord-ouest et obtenir des concessions territoriales ; la Finlande céda la Carélie et d'autres territoires via le traité de Moscou, mais conserva son indépendance au prix de lourdes pertes (environ 25 000 Finlandais et 127 000-168 000 Soviétiques tués). Pour Hitler, le pacte élimina le risque d'une guerre sur deux fronts lors de l'attaque de la Pologne et sécurisa des ressources critiques malgré le blocus britannique. Pour Staline, il offrit des gains territoriaux immédiats (environ 200 000 km² et 23 millions d'habitants annexés) et un délai pour réarmer l'Armée rouge, tout en dirigeant l'agression nazie vers l'Ouest. Dans les faits, Berlin et Moscou coopérèrent activement pendant 22 mois (août 1939 – juin 1941), jusqu'à l'opération Barbarossa le 22 juin 1941. Qualifier ce pacte de simple "non-agression" occulte sa substance profonde : un partage programmé et exécuté de l'Europe centrale et orientale ; une coopération économico-logistique qui renforça l'effort de guerre nazi ; des coordinations militaires (parades, transferts territoriaux) et policières (conférences Gestapo-NKVD). L'ensemble forme un pacte de coopération de facto entre deux régimes totalitaires, partageant des méthodes répressives et expansionnistes, et non une neutralité passive. Cette vision, soutenue par des archives historiques déclassifiées, met en lumière comment cet accord facilita le déclenchement de la guerre et les souffrances en Europe orientale, souvent minimisées dans les narratifs soviétiques postérieurs partagés avec complaisance en occident.